Kitsch

Moi, Rackham, je te propose un florilège de mon eldorado musical.
De par ma grande expérience d'écumeur cosmopolite, je te laisse découvrir quelques échantillons des trésors récupérés sur la grande carte de la sono mondiale.


Edouard Khil // Я очень рад, ведь я наконец возвращаюсь домой
Redécouvert sur la toile, le surnommé Trololo Guy devient universellement populaire à plus de 70 ans, avec ce titre entêtant où ses vocalises claquent désormais les 3 millions de vues. 
Edouard, décédé en avril 2012, laisse au souvenir du soviétique passéiste, une flopée de chansons qui auront fait s'égosiller le lumpen-prolétariat et attiser la curiosité du kitschophile. Il reçoit en 1974, le suprême et prestigieux prix de l'Artiste du Peuple de Russie, ce qui n'est pas rien, convenons en.
Pour l'avoir expérimenté, écouter les roulades de l'improbable baryton russe, dès le matin, est très fortement contre-indiqué du fait de son pouvoir extrême de fixation dans le bulbe rachidien. 


Dona Dumitriu Siminica // Am Iubit Si Am Sa Iubesc
Dona (1925-1980) chantait le blues roumain des faubourgs. Avec sa voix de falssetiste, chaude et androgyne, il eut son heure de gloire dans le Bucarest des années 70, reprenant les répertoires roumains et tsiganes, avec une démesure mélodramatique.
Sur cette vidéo, on voit le Casanova de Transylvanie en flagrant délit de playback, saoul comme un phacochère, reprenant un de ces tubes indémodables ''On s'éclate dans les Carpates"


Asha Bhosle // Bheega Badan Jalne Laga
Certains objecteront que cet extrait proposé n'est pas le plus significatif de la carrière d'Asha Bhosle, que cette insertion délibérée résulte du ciblage d'un nouveau lectorat masculin ou de l'attente d'une rackhamania soudaine et inespérée. Je n'ai pas à me justifier, préférant narrer l'histoire de l'une des divas de Bollywood. Elle nait en 1933 dans le Maharashtra, et est la frangine de Lata Mangeshkar, autre chanteuse de play-back, qui détient le record mondial de chansons enregistrées (plus de 25.000). Elle participe à quelques 900 films populaires de l'industrie de Bombay. Elle s'est marié avec RD Burman, compositeur prolifique du circuit.
En ce qui concerne la naïade aux formes généreuses qui bouge ses lèvres sur les vocalises d'Asha, je décide de garder son identité secrète. 
Privilège de boucanier.


Renato Carosone // Tu Vuo Fa' L'Americano
Chanteur, pianiste, arrangeur, le napolitain Renato Carosone va déchirer les charts en Italie, tout au long des années 50, avec une pléthore de chansons populaires trempées dans l'âme de sa ville natale. Le Maestro, accompagné par le fidèle et exhubérant Gégé Di Giacomo, ainsi que d'une formation à géométrie variable, fera même une tournée triomphale aux States qui se concluera au Carnagie Hall, devant une belle brochette de thuriféraires mafiosi. 
Lorsque vient l'heure des vacances familiales du pirate Rackham, celui ci embarque son imposante progéniture vers le soleil. D'aucuns diront qu'il est fréquent que la bande son du voyage soit celle de l'ami Carosone, un liminaire fleurant bon la bonne humeur, la pasta della mamma, la mozarella, le chianti et les comédies italiennes en noir et blanc. 

Carmen Miranda // Mamae Eu Quero
Née au Portugal en 1909, émigrée au Brésil, Maria Do Carmo Miranda est invitée à se produire avec son groupe à Brooklyn pour un spectacle exotico-comique. Sa carrière de chanteuse de Samba décolle et elle devient rapidement "la bombe brésilienne" des comédies musicales et autres navets cinématographiques.
 Faire valoir de la politique de Roosevelt pour le rapprochement Nord-Sud, elle écoule quelques 10 millions de disques, essentiellement composés de rythmes irrésistibles et de paroles débiles, elle fait fortune et le bonheur des vendeurs de bananes. 
Elle meurt à 46 ans suite à divers abus. Pas particulièrement de la consommation du contenu des immenses chapeaux de fruits dont elle se couvrait.


Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou // Gbeti Madjro
Eskill Lohento, furieux comme un James Brown du Dahomey, délivre temporairement les jambes béninoises de la dictature Kérékou et conjugue le Yoruba avec le vaudou dans un funk haletant digne des grands princes nigérians de l'Afrobeat.
"Dadje Von O Von Non", de Gnonnas Pedro, autre légende du Bénin, est une autre ivresse fortement conseillée.

Joselito // El Ruisenor
Joselito Jimenez Fernandez est issu d'une famille modeste andalouse. Repéré par son talent vocal, il tourne en 1956 (à huit ans) son premier film qui deviendra un tel succès que le  'petit rossignol' va enchaîner tournages, disques, tournées et télés jusqu'à gavage complet du public. Pendant quinze ans, l'enfant à la voix d'or sera l'icône portant les valeurs d'un franquisme rayonnant. En 1990, il se fait gauler pour trafic d'armes et de drogues en Angola.
Qu'ont-ils fait de lui, maudits républicains ! 

Grace Chang // Calypso
Ge Lan est née en 1934 et a grandit à Shanghai. Arrivée à Hong-Kong en 1949, elle commence une carrière de chanteuse et d'actrice sous le pseudo de Grace Chang (des 30 films tournées, on sauvera le délicieux Mambo Girl). On lui doit une palanquée de tubes à haute teneur en kitsch lumineux : reprise de l'Habanera de Carmen, séance d'éternuements dans Gesundheidt, Mambo sauce aigre-douce et un très exhubérant Tiger Lady.


Yma Sumac // Tempa
J'ai eu l'occasion, récemment, de résoudre la question cruciale qui me taraude :
Yma Sumac, la mezzo-soprano à qui l'on doit les interprétations de ''Bo Mambo" et "Taki Rari" est-elle une apparition divine inca ou une arnaque exotique hollywoodienne ?
Autour d'un apéritif dinatoire composé de fajitas et de 7 litres de mescaline, j'ai convié alors une brochette de spécialistes confirmés afin de réécouter les montées et descentes d'octaves, égale à une traversée de cordillère, de la diva des Andes.
Ce que je conserverais de cette orgie d'extraits de Peyotl sera, non pas l'absence de conclusion tirée, mais la matérialisation du Machu Pichu dans mon salon. 


Tilahun Gèssèssè // Ane Seyana Orogmina
L'Ethio-Jazz est devenu incroyablement populaire dans les années 60 et ce, jusqu'à la fin des années 70 dans les bars et hôtels d'Addis Abeba. Ce genre, influencé par le Jazz, les musiques latines, ainsi que la pop-music est devenu une bouillonnante découverte occidentale depuis une décennie. Le label indépendant français Buda Musique commencera dès 1998 la publication d'une abondante collection de cet age d'or musical sous le nom Ethiopiques. Diffuser ci-dessous un Mulatu Astatke ou un Mahmoud Ahmed eut été une évidence pour étayer mes propos ; ma misanthropie légendaire m'exhorte plutôt à privilégier ce bon vieux Tilahun, coiffé d'un chacal mort, et vociférant devant une improbable chorégraphie. 


Nat King Cole // Quizas, Quizas, Quizas
Nathaniel Adams Coles (1919-1965) aligne les numéro 1, plus qu'un leader du KKK alignerait quelques "fruits étranges" dans le bois voisin,  et commet moult classiques intemporels, dont cette adaptation d'Osvaldo Farrès. Victime de la ségrégation raciale, il cesse rapidement de jouer dans les états du sud. Il tire plutôt avantage de sa célébrité pour devenir un proche de J.F. Kennedy et ainsi faire entendre le Mouvement des Droits Civiques américains.
Il meurt d'un cancer de la gorge, ce qui est ballot pour un crooner.
Au regard de ce document, Cole, élégant comme Céladon chantant avec une brosse à dent électrique, papillonne ses yeux félins et compte les 'quizas' sur ces doigts de pianiste alangui, on arguera que n'importe qui d'autre se couvrirait de ridicule. 
Pas lui. La classe absolue...


Fairuz // Tik, Tik Ya Em Sleiman
Nouhad Haddad, née en 1935 au Liban, prend très jeune le nom de Fairuz (turquoise), elle rencontre les frères Rahbani aux débuts des années 50, épouse l'un des deux et voit sa carrière vraiment débuter par un premier concert public en 1957. 
A cette époque, le Proche-Orient ne vibre que par les chants égyptiens aux mélodies languissantes et aux orchestrations tellement assommantes que les auditeurs se sente pousser la barbe. 
Le vent de modernité, influencé par les musiques latines et les aspirations enjouées de ses auteurs, vont apporter un succès colossal inespéré. Le trio, entre 60 et 70, va squatter les plateaux TV, enregistrer des disques et se produire dans les plus grandes salles mondiales.
Des films, comédies musicales et satires sociales, seront également tournés et accroîteront la notoriété de Fairuz.
Qui, en regardant cet extrait de Bint Al Hariss, ne regrette pas d'avoir eu cette maîtresse jolie et guillerette ? Elle est quand même plus agréable qu'Oum Kalsoum, non ?


The Stereo-Phonic // Love so fine
La reprise cheap et sixties d'un trésor oublié de Roger Nichols.
Une flibusterie de plus pour ces nippons qui ont aussi piétinés de leurs tongs radioactives, des intouchables tels que les Trashcan Sinatras et les Pale Fountains.
Damned !!!

Compères corsaires